ALLÉE SIMPLE POUR
UN VOYAGE A REBOURS
Qui n’a pas rêvé un
jour de revenir en arrière, de revenir vers le passé, retourner à un moment
précis pour tout recommencer, mais autrement ? Qui n’a pas souhaité
retrouver un être cher, trop tôt disparu, pour reprendre une histoire d’amour
là où elle s’était arrêtée ? « O temps, suspends ton vol », se
lamentait ce bon vieux Lamartine. Et c’est bien en plein romantisme fou que
nous plonge le nouveau roman de Roland Rossero, intitulé « Allée simple »,
avec un jeu de mots sur allée comme le montre la photo de couverture, une
passerelle en bois grillagé qui s’enfonce dans une forêt tropicale.
Quand il était
élève, Roland Rossero a dû s’amuser à inverser le célèbre Bescherelle, et
pratiquer la conjugaison des temps plutôt que les temps de conjugaison. C’est,
en effet, les jongleries avec le temps qui forment le fil rouge d’une trilogie,
commencée par « Nomade’s land », une fausse histoire de vampire, et
« Arracheur de temps », titre digne d’un dentiste devenu romancier,
et terminée par ce livre-ci.
Christophe, un
homme vieillissant, revient à Auckland, Nouvelle-Zélande, quatorze ans après le
décès accidentel de son épouse Angela, dans cette même ville, un terrible 12
juin qui mit fin à un amour paisible. Il s’installe dans un hôtel avec vue
imprenable sur un cimetière à l’ancienne, aux larges allées ombragées et aux
stèles sobres et discrètes. Attiré par ce lieu anachronique au charme suranné,
il va s’arrêter devant une tombe dont le nom est en partie effacé. Et
Christophe va être pris dans une sorte de boucle temporelle qui va le ramener
150 ans en arrière, jusqu’en 1840, année de la signature du traité de Waitangi
qui scella le destin des Anglais et du peuple maori. Et qui scellera également
son propre destin.
Comme à son habitude,
Roland Rossero construit son roman de manière chorale, avec plusieurs entrées
mais une seule sortie, un labyrinthe dans lequel le lecteur ne se perd jamais,
grâce à la fluidité de l’écriture et la grande cohérence de cette construction.
C’est une histoire d’amour fou, comme les aimaient les surréalistes, qui
portaient aux nues « Peter Ibbetson », beau film de Henry Hathaway
1935 avec Gary Cooper, qui est une des références qui vous viennent à l’esprit
et que l’auteur lui-même indique.
Bref, si vous lisez
ce livre sans perdre de temps, en prenant votre temps, en vous arrêtant de
temps en temps pour réfléchir, ce temps de lecture vous enchantera et, arrivé
au bout, vous vous direz : « Déjà ? Comme le temps
passe ! »
Pierre Faessel, chroniqueur littéraire dans « Point
à la ligne » sur Radio NC 1re
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